La doxa néo-libérale et libertaire nous a fait croire que la réduction du domaine du politique constituait un progrès et que l’affaiblissement des États Nations garantirait nos libertés et nos « droits ». Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. C’est pourquoi Ligne droite estime indispensable que notre pays se fixe comme grande ambition collective de rétablir la suprématie du politique sur les forces économiques.
La dérégulation a entraîné chômage et appauvrissement
Ce que l’on nomme le « consensus de Washington », c’est-à-dire le triptyque néo-libéral « privatisation, dérégulation, libéralisation » à l’échelle internationale, n’a apporté ni l’emploi promis ni la prospérité pour tous, y compris aux États-Unis. La dérégulation économique mondiale, déclenchée par les pays occidentaux et, au premier chef, par les États-Unis, a en effet introduit le chômage de masse en Europe, comme l’a analysé le prix Nobel d’économie Maurice Allais.
La libéralisation des droits de douane a surtout profité aux grandes firmes transnationales — principalement nord-américaines — pour conquérir des marchés et s’approprier à bon compte des ressources naturelles dans les pays pauvres. Mais, dans le même temps elle a mis le travail occidental en concurrence directe avec le reste du monde et notamment avec les moins-disants en matière de salaires et de protection sociale. Par un mécanisme d’ajustement à la baisse, elle a donc poussé à la régression salariale et sociale et à l’appauvrissement des peuples.
La dérégulation des marchés financiers et « l’indépendance » des banques centrales ont aussi favorisé les crises systémiques mondiales, comme celle des subprimes de 2008, et l’enrichissement vertigineux de certains opérateurs privés, fondé sur des montages financiers de plus en plus sophistiqués mais, pour cette raison, de moins en moins contrôlables.
Le pouvoir est allé aux grandes entreprises mondialisées
La mise en œuvre des recettes néo-libérales du consensus de Washington a surtout eu pour effet de libérer les grandes entreprises mondialisées de toute contrainte politique et de toute mesure dans l’arraisonnement marchand du monde. Nombre d’entre elles bénéficient aujourd’hui d’un chiffre d’affaires supérieur au PIB de beaucoup d’États. Elles possèdent aussi une capacité inégalée de contrer les politiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts, par le chantage à la délocalisation ou par l’optimisation fiscale. Les accords de libre-échange, comme celui que l’Union Européenne a signé avec le Canada, donnent en outre aux grandes firmes transnationales la possibilité de contester devant des juridictions privées, dites « arbitrales », les législations qui les dérangent, notamment celles destinées à protéger l’environnement. Grâce enfin à leur richesse et aux importants cabinets d’avocats qu’elles financent, elles disposent de grandes facilités de lobbying et de corruption, partout dans le monde. En d’autres termes, le pouvoir économique et financier s’est émancipé en Occident de toute régulation politique et donc de tout contrôle des peuples. Il s’agit de l’inversion radicale des fondements éthiques de notre civilisation.
Les hommes ont été asservis aux « impératifs du marché »
Mais cette « émancipation » n’a pas apporté les bienfaits promis par ses promoteurs. Elle a conduit au contraire à une nouvelle forme de servitude pour le plus grand nombre, la servitude économique mondialiste, c’est-à-dire la soumission de l’homme aux « impératifs des marchés mondiaux» et des institutions financières internationales. Elle tend finalement à transformer l’homme lui-même en marchandise et à le ramener ainsi à la condition servile, annulant de la sorte deux mille ans d’histoire européenne. Une servitude qui indiffère à la Nouvelle Gauche, désormais ralliée sans vergogne au néo-libéralisme mondialiste.
Restaurer l’essence du politique
Tirant les leçons de ce désastre civilisationnel, Ligne droite propose pour notre peuple et les peuples européens une grande ambition collective, conforme au génie de notre civilisation : retrouver la liberté qui ne résulte pas du marché, mais du politique, c’est-à-dire de la souveraineté d’un peuple sur son territoire et sur ses lois. Un idéal que l’on nomme, depuis les Grecs, démocratie. Comme le déclarait Charles De Gaulle, dans une formule toujours actuelle, « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Il importe donc de rendre le pouvoir au Pouvoir, c’est-à-dire de restaurer l’essence du politique. Notre civilisation ne doit pas être soumise aux seuls intérêts économiques surtout s’ils sont étrangers, mais c’est l’économie qui doit au contraire être mise au service de son identité, de sa puissance et de son rayonnement.
Reprendre la maîtrise de l’économie
Pour rétablir la souveraineté du politique face aux forces économiques, il faut d’abord, par une révision profonde de ses dépenses et de ses recettes, libérer l’État de la spirale de l’endettement qui le place sous la tutelle des institutions financières privées. Et, au niveau de l’Europe, il faut que la Banque centrale se préoccupe d’abord de la croissance économique et de l’emploi, comme le font les autres banques centrales dans le monde, au lieu de lutter contre l’inflation. La politique fiscale doit aussi être revue afin de lutter contre l’optimisation fiscale abusive des grandes firmes mondialisées et de leurs dirigeants.
Revenir à la régulation des échanges
Au plan international, il faut préconiser la régulation des échanges et non leur déréglementation systématique. Cette régulation doit notamment reposer sur les principes de réciprocité et d’équité. Pour combattre la désindustrialisation occidentale, il faut, par l’exercice d’une préférence régionale et de droits de douane raisonnés, rétablir l’équilibre entre les coûts de production européens et mondiaux. Les accords de libre-échange doivent aussi être revus en ce sens. Il faut par ailleurs refonder le système monétaire international afin qu’il ne repose plus uniquement sur une monnaie inconvertible et détachée de l’économie réelle : le seul dollar.
Retrouver le sens du Bien commun
Au plan culturel, il faut mettre des limites au culte de l’argent, en promouvant une nouvelle éthique du Bien commun et du désintéressement. En préservant aussi notre identité et nos traditions des exigences démesurées des acteurs économiques internationaux qui veulent configurer la société à leur seul profit. Pour cette raison aussi il faut garantir le respect des droits du travail, fruit de notre histoire sociale. Au plan politique, il faut enfin réglementer sérieusement les activités de lobbying, comme la constitution d’ententes et de cartels, et réprimer la corruption dans la sphère publique.
Le moment est venu pour la France et l’Europe de poursuivre à nouveau de grandes ambitions collectives. Celle de rétablir la souveraineté du politique sur l’économie est l’une des plus importantes.
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