Un président qui tient le cap, un premier ministre qui gère le quotidien

Méthode gouvernementale

La constitution de la Ve République présente cette originalité d’avoir instauré un exécutif à deux têtes. Une configuration dans laquelle le chef du gouvernement peine souvent à trouver sa place à côté du chef de l’État. Aussi, certains voudraient-ils supprimer cette dualité qu’ils jugent archaïque et frustratoire. Ligne droite considère au contraire qu’elle peut être très bénéfique pour l’exécutif si elle permet au président de se consacrer entièrement à la réalisation de son projet dès lors qu’il serait libéré des contraintes du quotidien par un premier ministre qui les prendrait en charge.

La fonction présidentielle trop souvent dénaturée

Une telle répartition des rôles ne correspond cependant pas à celle qu’ont adoptée la plupart des récents locataires de l’Élysée. Chacun se souvient de Nicolas Sarkozy et de sa propension à jouer l’hyperprésident, décidant de tout, occupant tous les créneaux, communicant en permanence, effaçant complètement son premier ministre, qualifié même de collaborateur. Telle est aussi, dans un autre style, la pratique d’Emmanuel Macron qui marginalise totalement le chef du gouvernement. Et il en a d’ailleurs été de même avec François Hollande qui, en cherchant à accaparer tous les contacts avec les médias, a largement contribué à dévaloriser la fonction présidentielle.

La communication pour exister politiquement

Cette attitude résulte d’abord d’une dérive de la fonction politique en général qui tend à préférer la communication à l’action. Les médias s’étant imposés comme le premier pouvoir, les responsables publics ont le sentiment que leur importance est directement corrélée à la place qu’ils occupent à l’antenne et sur les plateaux. Que l’on ne parle plus d’eux et ils cessent d’exister comme s’ils perdaient leur pouvoir. Aussi cherchent-ils à multiplier les occasions d’être vus et entendus. D’où, par exemple, les déplacements incessants des membres de l’exécutif « sur le terrain ». Des déplacements qui ne servent à rien, sinon à donner des images aux médias et à faire parler d’eux.

La communication pour camoufler l’impuissance des gouvernants

Cette course aux médias est aussi la conséquence du faible pouvoir dont dispose dorénavant le chef de l’État, limité dans son action par toutes sortes de contre-pouvoirs aussi puissants que l’Europe bruxelloise, le Conseil constitutionnel, l’appareil judiciaire, les contraintes de la mondialisation et la pression des médias. Dès lors, nombreux sont les présidents de la République qui n’agissent plus réellement, cherchant seulement à donner l’illusion qu’ils le font. Combien de lois inapplicables et inappliquées ont-elles été votées, non pour leur efficacité à modifier la réalité, mais pour l’impact qu’elles ont eu dans l’opinion au moment où elles étaient présentées ?

Une obsession médiatique qui dévalorise le politique

Cette importance démesurée donnée aux médias conduit alors le chef de l’État à vouloir occuper au maximum l’espace de la communication et donc à multiplier les sorties et les prises de position, allant jusqu’à confisquer à son profit l’exposition médiatique normalement dévolue au Premier ministre et à ses ministres. Un excès de communication qui conduit à une dévalorisation de la fonction que M. Hollande porta à son apogée lors de sa déclaration solennelle consacrée au cas de la jeune immigrée Leonarda. Mais tout aussi dévalorisantes sont les séquences filmées où l’on voit le chef de l’État répondre entre deux portes sur tout et n’importe quoi à des journalistes insolents ou lorsqu’on le montre peinant à répliquer à un Français agressif.

La vision pour le président, le quotidien pour le premier ministre

Cette soumission malsaine aux impératifs médiatiques ne fait en réalité que révéler l’ampleur de la crise actuelle du politique. Mais, si la droite nouvelle se libère des contraintes du politiquement correct et redonne au pouvoir les prérogatives qui devraient être les siennes, le double exécutif devient alors un atout.

Au président le rôle essentiel de concrétiser la vision qui est la sienne et sur laquelle il s’est fait élire. À lui de fixer le cap et d’ouvrir des perspectives. À lui de suivre la réalisation de son projet et d’orchestrer la stratégie de mise en œuvre des grandes réformes en actionnant son gouvernement sans nécessairement se mettre en avant lui-même. Or, pour accomplir cette mission capitale, le chef de l’État a besoin d’être libéré des contraintes du quotidien, lesquelles précisément doivent être l’apanage du premier ministre. C’est donc ce dernier qui doit traiter les dossiers secondaires ainsi que ceux qui surviennent dans l’actualité. Faute de quoi le président pourrait se laisser détourner de sa mission principale, car la gestion du quotidien fait perdre le cap, empêche le recul et fausse le jugement.

Un tel partage des rôles correspond d’ailleurs à l’esprit de la Ve République, dont la constitution originelle avait prévu pour le président un mandat d’une durée de sept ans correspondant au délai nécessaire pour mener à bien des réformes d’envergure. Sans doute faudra-t-il reprendre la réflexion sur ce point, mais, dans un futur exécutif assumé par la droite nouvelle, l’essentiel est que le président de la République se recentre sur ses tâches essentielles.

Exister politiquement par l’action

Quant à l’existence politique à travers les médias, elle ne doit plus être un objectif pour les membres de l’exécutif. S’ils agissent, ils existent et, s’ils existent, ils n’ont pas besoin d’une communication artificielle. Celle du président doit être sobre et retenue. Le chef de l’État ne traite et donc ne parle que des questions majeures. Il incarne la France et se doit de conserver une certaine distance et une forme de sobriété dans sa prise de parole, laquelle doit intervenir à son initiative et pour des occasions exceptionnelles. Une communication qui laisse dès lors la place au premier ministre et à une équipe resserrée de ministres à forte personnalité capables d’assumer la gestion et donc la communication du quotidien. Celle du premier ministre doit être adaptée à l’actualité et donc s’affirmer de façon pédagogique et combative.

 

Si demain la droite nouvelle exerce les responsabilités du pouvoir pour engager une rénovation profonde de notre pays à partir d’un projet soigneusement préparé à l’avance, Ligne droite considère qu’elle devra adopter ce type d’organisation : un premier ministre qui assure au quotidien la gestion des affaires courantes et un président souverain qui se préoccupe de mener à bien la rénovation de la France.

28 novembre 2017

Crédit photo : Hans via Pixabay cco