La « droite nationale » s’est fracassée le 3 mai 2017 avec la prestation de Marine Le Pen lors du débat télévisé qui l’opposait à Emmanuel Macron. Son insuccès n’est cependant pas dû exclusivement à cette contre-performance car la droite nationale s’est depuis longtemps fourvoyée en raison d’un programme et d’une stratégie passéistes.
Une erreur d’époque
Pourtant, la configuration politique dans laquelle elle abordait cette élection était exceptionnellement favorable. Après l’échec du quinquennat de Hollande, le Parti socialiste, à bout de souffle, s’était choisi un candidat inexistant. Le parti des Républicains, très divisé par la primaire, s’était doté quant à lui d’un candidat gravement affaibli par les affaires. Et surtout, l’écrasante majorité des Français rejetait la classe politique dans sa globalité, exaspérée qu’elle était par la situation catastrophique de notre pays. Dans ce contexte, il est clair que le FN n’a pas exploité la fenêtre historique qui s’ouvrait devant lui. L’insuccès de sa candidate est en effet la conséquence directe du discours de campagne qu’elle-même et son équipe ont tenu. Dans une attitude partisane sans doute trop monolithique, ils se sont trompés d’époque adoptant dans la plupart des domaines un discours passéiste.
Une mise en sourdine à contre-temps
D’abord, leur quête de respectabilité politique les a conduits à mettre en sourdine leur positionnement identitaire et anti-immigration, au moment même où l’opinion émettait des attentes fortes en la matière et à l’époque où le choc des civilisations devenait de plus en plus manifeste partout en Europe. Le Front national a ainsi délaissé ce qui faisait sa singularité politique au plus mauvais moment. Une totale faute de concordance des temps !
Un programme économique et social dépassé
Ensuite, dans le vain espoir de récupérer l’électorat de Jean-Luc Mélenchon, l’autre candidat du Système chargé de faire revenir les classes populaires dans le giron du Système, les dirigeants du FN ont adopté une ligne économique social-démocrate digne des années soixante, oubliant ainsi la formule prémonitoire de Jean-Marie Le Pen selon qui les électeurs préféreront toujours l’original à la copie. Ce positionnement, qui n’a rapporté aucune voix de gauche, a eu en revanche un effet répulsif sur l’électorat de droite.
Un souverainisme anachronique et nostalgique
Enfin, ils se sont enfermés dans la voie sans issue du souverainisme nostalgique, symbolisé par le projet anxiogène de sortie de l’euro. Une grave erreur de temporalité car nous ne sommes plus en 1950. Le monde dans lequel nous vivons est désormais multipolaire, marqué par le retour sur la scène mondiale des grandes aires civilisationnelles qui rassemblent chacune des centaines de millions, sinon des milliards, d’hommes et de femmes. Dans ce monde-là, la puissance en Europe ne peut plus être seulement nationale, elle doit aussi devenir continentale. Car la souveraineté nationale dans une Europe impuissante, vassalisée ou islamisée reste une mortelle illusion. L’idée de « la France seule » dans un monde qui s’écroulerait autour d’elle est une illusion. Illusion en 1940, illusion en 1947, illusion en 2017, illusion toujours. Car, de nos jours, comme le montrent la crise des migrants ou le terrorisme, toutes les nations européennes sont désormais solidaires les unes des autres. Aujourd’hui, le souverainisme n’a de sens que comme un moyen de retrouver au plan européen la puissance, l’indépendance et l’identité.
Une question de hauteur
Le Front national a donc déçu parce qu’il n’a pas apporté la preuve qu’il se situait à la hauteur des enjeux auxquels notre pays et l’Europe se trouvent confrontés. Comme Marine Le Pen n’a pas donné le sentiment d’être à la bonne hauteur présidentielle lors de son calamiteux débat télévisé du second tour de la présidentielle.
La « droite nationale » aurait pu être le recours. Peut-elle l’être encore ? Il faudrait pour cela qu’elle se métamorphose pour incarner la droite nouvelle dont la France a besoin !
Crédit photo : Blandine Le Cain via Flikr (recadrée) cc